Qui veut vivre un conte de fées ? (ma contribution pour les bluesblogueurs.fr)

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Un château, un cheval, un aristocrate pétri de bon goût. La vie chez les Rotschild ? Non, non, celle d’un prince charmant, de tous les princes charmants d’ailleurs. Et c’est bien le problème : le conte n’est qu’un modèle qu’on répète à l’infini, l’histoire d’un jeune premier et d’une jolie bergère qui devaient s’ignorer pour l’éternité et vont pourtant se rencontrer, se tourner autour, surmonter des obstacles uniquement placés sur leur route pour les rapprocher, leur chuchoter de se marier, d’avoir beaucoup d’enfants.

Le conte, c’est la lutte contre le changement, aucune évolution n’est tolérée. Un vil seigneur des ténèbres vient perturber cet équilibre ? Qu’il vomisse ses tripes, meurt en une mare de sang, voilà tout ce qu’on lui souhaite, pourvu qu’on vive à nouveau comme avant. Et le mariage final  n’est la marque d’aucune nouveauté, simplement le passage assuré d’une génération à l’autre dans un monde qui ne bouge pas. Voici un conte et les voilà tous, des histoires reprises par les frères Grimm et Charles Perrault à la fantasy à grand tirage de Tolkien (Le Seigneur des anneaux), Ken Follett (Les Piliers de la terre), C.S. Lewis (Narnia) ou J.K. Rowling (Harry Potter). Je m’en tiens aux contes d’inspiration médiévale et occidentale, c’est vrai… Les chevaliers de la Table ronde pourraient faire exception : ils avancent vers quelque chose, ils cherchent le Graal. Ca tombe bien, les péripéties du roi Arthur et ses acolytes relèvent de la légende, pas du conte, malgré la présence d’une fée. Les aventures arthuriennes sont d’ailleurs angoissantes : ils luttent mais ne parviennent jamais, tout l’inverse du conte !

Le conte, c’est un long fleuve tranquille, une sorte d’assurance-vie qui se raconte, une vie merveilleuse qui ne souffre pas les affres du quotidien : ni impôts à payer, ni besoins à satisfaire. De ce point de vue, la majeure partie des scénarios empruntent au conte : je n’ai jamais vu James Bond faire un arrêt-pipi sans autre raison que celle de soulager une vessie trop pesante. Voir un acteur aux toilettes est privilège pour ces dernières, la garantie qu’elles sont un point central de l’histoire. C’est le héros de L’Arme fatale qui s’assoit sur la cuvette pour s’apercevoir qu’elle est piégée. Qu’on transforme les latrines en bombe humaine et sortir du cabinet devient aussi relevé que s’évader d’Alcatraz. On a sorti les toilettes d’un quotidien vulgaire et insipide où elles s’étaient perdues : elles forment maintenant un objet merveilleux à part entière. Elles peuvent rejoindre l’univers du conte. Là je veux bien sauter à pieds joints : fini les impôts, la brosse à chiotte et les emmerdes.

Pas toujours excitant mais vraiment rassurant. Dans l’univers du conte, on te prend par la main, une bonne fée se penche sur ton berceau – une mauvaise fée aussi. Heureusement, sans elle, le conte atteindrait bien le degré zéro de l’intérêt -, tu ne dois pas pourvoir à quoi que ce soit : le banquet est systématiquement bien garni, tes fringues sont systématiquement propres, ton transport – équestre, ou tout au moins animal – est assuré.

Impossible sur Terre ? Tu parles. Je viens d’en apprendre une bonne : je vis dans un conte. Le seul hic, c’est qu’on me cantonne au rôle du conteur. Toutes les nuits, je me penche sur son berceau pour lui prodiguer mes bons soins – rien de mauvais cette fois, je ne veux pas d’histoire -, qu’il fronce le moindre sourcil est le biberon coulera à foison, la salopette sera changée et le transport animal est systématiquement assuré. Avoir un bébé, c’est vivre un conte de fées.

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