Le jour du terme, le Jour J ?

Tout au long du huitième mois, on attend fébrilement le jour J, celui de la naissance. Les futurs parents sont à l’affût du moindre signe annonciateur de l’heureux événement, prêts à sauter dans la voiture en direction de la maternité. Les questions de l’entourage ou du voisin à la caisse du supermarché se font plus pressantes : « alors, c’est pour bientôt ? », « c’est la dernière ligne droite ? » Et les futurs parents d’apporter sempiternellement la même réponse : « oui, ça approche, c’est prévu pour le 13 août ». A force d’approcher, nous baissons la garde. Nous n’espérons plus fébrilement la naissance pour le jour suivant et nous contentons de nous répéter que, de toute façon, elle viendra bien un jour cette naissance.

Et le 13 août arrive et avec lui, aucun signe annonciateur mais des tonnes de messages d’une teneur nouvelle :  « si tu ne réponds pas, c’est que tu es en salle d’accouchement », « il va pointer le bout de son nez », etc. A attendre la naissance à tout moment, je ne me doute plus que pour l’entourage, le Jour J, c’est aujourd’hui. Bien loin de baisser sa garde, l’entourage a renforcé ses sentinelles et les a concentrées autour d’une seule date : le jour du terme. Nous n’entendons plus : « c’est pour bientôt » mais « c’est aujourd’hui ». A croire que le jour du terme, l’entourage nous précéde en salle d’accouchement…

La pizza de maternité

La salle de travail m’impressionne. Je m’attends à un temps d’ascèse parsemé de secousses ; un temps à attendre le bébé, ou les secousses justement, on ne sait plus. Un temps à ne rien faire, ni manger, ni boire, ni se divertir vraiment. Un article de magazine rapidement parcouru, voilà. Dans de telles conditions, je considère comme hautement stratégique le temps qui précède l’arrivée en salle de travail, ces quelques heures passées à la maison autour de la montée en puissance des contractions. J’appréhende une arrivée de Voilamaman en salle de travail en de mauvaises conditions. Et voici ce que je crains le plus et veux repousser absolument : la faim. Imaginer Voilamaman affamée alors que se profilent encore plusieurs heures de travail et l’effort de l’accouchement me paraît insoutenable.
Voilamaman doit manger quelque chose tant qu’elle est à la maison.

Tout à cette idée, je m’occupais du ravitaillement le week-en dernier en compagnie d’un ami espagnol venu nous rendre visite avec une amie belgo-portugaise. Dans chaque rayon, j’annonce : « ça, c’est pour la maternité » et dépose pizzas et plaques de chocolat dans le panier. Une fois rentrés à la maison, mon ami espagnol livre l’état de ses réflexions à Voilamaman : « en Espagne, à l’heure de se rendre à la maternité, le futur papa saute dans la voiture. Chez vous, il fait chauffer une pizza ».

La dernière ligne droite

Copilote de rallye, je serais désemparé.

Le pilote et moi avons réfléchi, visualisé chaque virage, répété le scénario de la course des centaines de fois. Jusqu’à cette dernière ligne droite dans laquelle jeter toutes nos forces, concentrés, les yeux du pilote rivés sur le tableau de bord, les miens accrochés au carnet de route. Et la veille de la course, patatras, un valeureux ancien de la course automobile donne son avis. Et il est différent du nôtre. « Dans la dernière ligne droite, regardez autour de vous, levez les yeux ». Et l’argument massue tombe : « si vous ne regardez pas, vous manquez la course ».

Voilà ce qui s’est produit hier soir. Si je ne sais pas encore quelle sera ma place à l’arrivée à la maternité, l’accouchement proprement dit, c’est une autre histoire. Voilamaman me l’a dit, plusieurs d’entre vous me l’ont confirmé : « reste avec la maman, elle en a besoin, et ça t’empêchera de vaciller ». Et hier soir, patatras. un valeureux ancien de la paternité me déstabilise : « regarder l’accouchement, c’est assister à la création du monde ». Et l’argument massue de tomber : « Si tu ne regardes pas, tu manques l’accouchement ».

Et le copilote de Voilamaman de se sentir désemparé.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Voilapapa doit-il rester à côté de Voilamaman ? Ce qui présente l’avantage selon moi de partager le moment avec elle, et de ne pas tourner de l’oeil. Ou Voilapapa doit-il regarder le bébé venir à nous, au monde ?

La maternité porte bien son nom

J’imagine le trajet en voiture. Les mains tiennent le volant avec fermeté et un peu de crispation, le GPS est allumé alors que j’ai la route bien en tête, ma femme est assise à côté de moi, légèrement plus affalée qu’à l’accoutumée, légèrement plus essoufflée aussi. Pourvu que la voie rapide soit dégagée, le parking de la maternité bien accessible, et que nous soyons rapidement pris en charge.
J’imagine également les heures qui précèdent. A la maison, j’essaie d’offrir une présence rassurante sans trop en faire. Je tente de me rappeler tout ce que ma femme et la sage-femme ont évoqué. Faire couler un bain, ne pas poser de questions, etc.
Non vraiment, la maison et la voiture ne sont pas le sujet du jour. J’imagine la scène avec aisance. Je m’attends à prendre quelques initiatives, ça me rassure.

L’arrivée à la maternité, c’est différent. Je n’imagine pas. Nous sortons de la voiture où futur papa régnait tel un lion en son royaume et débarquons dans l’immense hall de la maternité. Ça grouille de monde, on vient s’enquérir de notre sort, et je suis à pas pressés le petit cortège dans les couloirs jusqu’en salle de travail. Je n’ose pas parler et reste un peu en retrait.
Fort heureusement, nous serons bien pris en charge et le personnel sera très attentif à chacun. Je peine néanmoins à me représenter la place du papa en ces lieux. Dans mon imaginaire de futur papa, la maternité porte décidément bien son nom.