La vie, notre petite vie, comme une grande scène de cinéma.
Prenez votre scène préférée, la conférence de presse de Coup de foudre à Notting Hill disons (La fusillade finale de Full Metal Jacket fonctionne aussi mais j’imagine que vous tenez à votre appartement). Ce moment où Hugh Grant lui dit tout et qu’elle répond « toute la vie ». On voit ça seulement au cinéma ?
Non, non, attendez, reprenez cette scène, fermez les yeux. Ce soir, votre journée de travail achevée, vous glissez la clef dans la serrure de la porte d’entrée ; à la descente du bus, cette satanée bagnole a balancé l’eau du caniveau sur votre pantalon, vous grelottez, y en a marre, je veux rentrer chez moi.
Vous rentrez. Et là, surprise, une table de conférence de presse, un micro, la personne que vous aimez, elle vous répond « toute la vie ».
Ce phénomène, chez les Voila, nous le vivons tous les soirs. Chanceux ? Pas sûr…
Les bains sont pris, les pyjamas enfilés, les deux Voilabébés posés à table, Voilabébé1 sur une chaise de grand, Voilabébé2 dans sa chaise haute, ouf, pas trop tôt. Ils dînent, tout va bien. Il seront couchés à 20h, on y arrivera. 20h05 au plus tard.
Jusqu’au sourire de Voilabébé2… On le connaît ce sourire. Il le dégaine à la moitié de son petit pot environ. Avant, il a faim, on entendrait une mouche voler si l’aîné ne criait pas « oh une mouche qui vole » dès qu’il aperçoit une mouche voler. La faim dure 50% du pot. Arrive alors le sourire. Les lèvres s’ouvrent lentement, les yeux s’allument, narquois. C’est le signal.
Les mains potelées et pleines de « Légumes frais du marché Blédina 12 mois » prennent appui sur la tablette, les petits pieds enfermés dans le pyjama s’agitent. Voilabébé2 se lève et éclate de rire. Il ne nous regarde pas. La tête penchée à gauche, il cherche son frère. L’aîné éclate de rire, se lève à son tour sur sa chaise. Ils rigolent, nous défient, nous les parents assis, les représentants de l’ordre. Les yeux fermés, on jurerait entendre « O Captain! My Captain! », morceau d’anthologie, Le Cercle des poètes disparus, ma scène préférée.
Nous rigolons 30 secondes et leur ordonnons de se rasseoir. Perdre 3 minutes, se coucher à 20h08 et non 20h05 comme prévu, pas question. Ils persistent, nous sévissons, les asseyons de force.
Nous sommes gris, le professeur terne, c’est nous. Tenir au coucher à 20h05, refuser les 20h08, trahir Robin Williams, se retrouver du mauvais côté de la barrière, la fin d’un rêve. Le cinéma s’arrête ici.