Un deuxième bébé ?

Il n’était pas trop tard hier soir, pour une fois. Tout le monde était sorti et le canapé était grand, pour une fois. Un deuxième bébé…

Assis sur le canapé, un deuxième bébé dans les bras, un tout petit, un bébé de 3 mois. L’autre bébé dans mon dos, de 12 mois son aîné, assez grand pour faire le malin et courir à l’autre bout du canapé, revenir en criant, courir à l’autre bout du canapé, revenir en criant… Voilabébé, si petit quand il est seul à la maison, tellement grand à côté du petit bébé. Seul assis sur un canapé entouré de deux bébés, cela ne m’était jamais arrivé.

Nous venions prendre l’apéro et j’ai finalement pris un bébé. Je l’ai rendu ensuite, certes, mais au moment de le prendre dans les bras, la même émotion que l’an dernier, celle que j’avais ressentie quelques toutes petites semaines avant la naissance de Voilabébé et relatée ici. A l’époque, les bébés me laissaient là, pantois sur un canapé. Aujourd’hui, j’ai un bébé, mais rien n’a changé, même pas le canapé.

J’ai vécu une véritable pub Kinder. Tous les adultes sortis du salon, je reste avec les deux enfants et l’apéro. Voilabébé court de plus en plus vite. Je fais des petits bonds le long du canapé pour l’empêcher de tomber. Bondir à la vitesse du grand bébé, faire des gouzis-gouzis sur le menton du petit bébé et me voilà débordé.

Et là, l’erreur : je me suis pris à penser que deux bébés, c’était beaucoup. Et là, solution, le grand bébé s’écroule sur le canapé. Et éclate de rire. Je ris aussi… Et le petit bébé aussi. On a ri tous les trois. Juste comme ça. Bonheur, un véritable quart d’heure Charles Ingalls vous voyez. L’espèce de moment parfait qui ne dure qu’un quart d’heure histoire qu’on puisse continuer à dire que « la perfection n’est pas de ce monde ». Et puis, je ne suis pas né de la dernière pluie. Charles Ingalls est parfait, certes. Mais il est bien le seul. Une fois qu’il a ri avec ses 7 enfants, il part couper du bois dans la neige, lui. Tandis que je me contente de couper du saucisson. « La perfection n’est pas de ce monde ».

Après la photo, Charles Ingalls s'en ira couper du bois

Après la photo, Charles Ingalls s’en ira couper du bois

Partageant si peu avec Charles Ingalls – le prénom excepté -, je m’assagis rapidement : un deuxième bébé ? Mais ce n’est pas raisonnable, comment veux-tu assumer deux bébés à la maison ? Regarde-toi dans un miroir Voilapapa. Et puis deux bébés, ça veut dire deux fois plus d’idées de cadeaux de Noël à trouver, des nuits deux fois plus courtes et des valises deux fois plus lourdes.

… Mais j’ai goûté au quart d’heure Charles Ingalls.

Sans rien dire

Je ne sais plus quoi dire.

La grossesse, c’était l’attente. On gravitait autour du principal intéressé sans jamais le voir. Que dire ? L’événement restait à venir, Voilabébé n’était pas tout à fait là, rien n’avait encore eu lieu. Et j’écrivais pourtant, beaucoup. Au rythme de trois articles par semaine. Alors que je pensais avoir si peu à dire…

Et Voilabébé est arrivé. Il s’en est passé des choses depuis la naissance. Je devrais avoir tout à dire. Je les vois bien ces petites anecdotes de la vie, celles qu’on dit. Voilabébé est léger mais nous fait crouler (et écrouler de rire) sous les mimiques. Celle du chef d’orchestre qui écarte les bras avec une autorité suprême et le regard inspiré, celle de la chasse à l’antilope quand, tourné sur le ventre, il guette, s’apprête à ramper mais, en vieux bonhomme, sait ne pas se faire repérer. Elles sont tellement présentes ces choses à dire que je ne sais plus où commencer (Ceci pour dire que j’ai mis du temps à revenir.. Un immense merci pour tous vos messages ! Vous m’avez manqué !)

Je ne sais pas les dire.

Une fois lavé et le cordon coupé, on l’a posé sur moi aussi sans rien dire. On a bien fait de ne rien me dire : je ne me suis rien dit non plus. « Tu te rends compte, tu es papa, pa-pa, non mais tu te rends compte ». Non, ce genre de phrases, on les répète avant, à l’époque de la grossesse. Pas pendant. Pendant, tu te fous de savoir ce que c’est un papa. Ce que ça implique, tu t’en moques. Ton enfant est né et va grandir. Et toi aussi : tu es un nouveau papa… et tu vas grandir. Alors tu ne te dis pas « oh là là, mais je ne sais rien faire. Que vais-je faire de toi ? ».

Non, tu fais. Sans rien dire.

Quand tu reçois un invité à la maison, tu ne sais peut-être rien faire, ni la cuisine ni le lit. Mais quand il arrive, ton invité, tu le reçois quand même. Tu lui serres la pince, tu lui adresses la parole, tu sais ouvrir la poignée de la porte de sa chambre.

Tu fais. Sans rien dire.

L’accueil de Voilabébé, c’est bien pareil. Avant la naissance, tu te sens désarmé face à l’immense tâche à venir. Et tout le monde t’énerve : « pff, mais ça vient tout seul, tu verras, c’est extraôôôrdinaire ».  Et le pire, c’est que c’est la vérité. Le jour de la naissance, tu ne demandes à personne comment porter ton enfant. Tu le portes. Tu demandes, en revanche, comment changer une couche. Mais c’est toi qui le changes. La nuit, tu ne te poses pas la question de savoir si tu es fatigué ou pas. Tu te lèves.

Sans rien dire, tu le fais.

Et Voilabébé est là, devant toi. Tu voudrais dévorer ses joues rebondies, accrocher ces grands yeux de ton regard, passer la journée à lui faire des papouilles dans le cou. Il est fort, Voilabébé.

Sans rien dire, il donne plein d’envies à Voilamaman et Voilapapa. Ca le fait.

Voilà papa, je suis champion olympique

Au trente-cinquième kilomètre, j’étais loin de la tête de course. J’ai réussi à lancer ma foulée, la grande, la belle, cette foulée qui a fait briller mon régiment lors des compétitions militaires. Et je les ai dépassés, tous, jusqu’à franchir la ligne d’arrivée en tête. Personne ne m’attendait, le sentiment de la victoire était immense, inouï, éternel espérais-je. Voilà papa, je suis champion olympique.

Gagner l’or ne couvre pas d’argent. Outre-atlantique, j’ai alors gagné ma croûte à courir face à des hommes ou des animaux. Le public acclamait la bête de course que j’étais . Ou la bête de foire, je n’ai jamais vraiment su. Comme je gagnais ma vie en courant, je ne pouvais plus participer aux Jeux olympiques réservés aux sportifs amateurs. Malheur, toute ma reconnaissance personnelle est bâtie sur ma victoire olympique, papa. Tout s’est alors emballé, a mal tourné, a échoué. Voilà papa, je suis champion olympique et aujourd’hui, je suis à la rue.

Cet article lance la série  « Voilà papa, je suis ». Les histoires d’un destin qu’une fille ou un fils raconterait à son père. Aujourd’hui, voici les propos imaginaires d’Ahmed Boughéra El Ouafi, champion olympique français de marathon à Amsterdam en 1928, presque aussitôt oublié de tous. Il finira sa vie en 1959, miséreux et assassiné par le FLN dans le contexte de la guerre d’Algérie. 

La dernière ligne droite

Copilote de rallye, je serais désemparé.

Le pilote et moi avons réfléchi, visualisé chaque virage, répété le scénario de la course des centaines de fois. Jusqu’à cette dernière ligne droite dans laquelle jeter toutes nos forces, concentrés, les yeux du pilote rivés sur le tableau de bord, les miens accrochés au carnet de route. Et la veille de la course, patatras, un valeureux ancien de la course automobile donne son avis. Et il est différent du nôtre. « Dans la dernière ligne droite, regardez autour de vous, levez les yeux ». Et l’argument massue tombe : « si vous ne regardez pas, vous manquez la course ».

Voilà ce qui s’est produit hier soir. Si je ne sais pas encore quelle sera ma place à l’arrivée à la maternité, l’accouchement proprement dit, c’est une autre histoire. Voilamaman me l’a dit, plusieurs d’entre vous me l’ont confirmé : « reste avec la maman, elle en a besoin, et ça t’empêchera de vaciller ». Et hier soir, patatras. un valeureux ancien de la paternité me déstabilise : « regarder l’accouchement, c’est assister à la création du monde ». Et l’argument massue de tomber : « Si tu ne regardes pas, tu manques l’accouchement ».

Et le copilote de Voilamaman de se sentir désemparé.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Voilapapa doit-il rester à côté de Voilamaman ? Ce qui présente l’avantage selon moi de partager le moment avec elle, et de ne pas tourner de l’oeil. Ou Voilapapa doit-il regarder le bébé venir à nous, au monde ?