Le sexe de l’enfant : comment savoir quand on ne veut pas savoir

La question est rituelle : « alors pour le sexe, vous voulez savoir ? » et, comme tout bon rite, elle fait référence à un univers obscur : le sexe de l’enfant attendu. La preuve de cet obscurantisme : la réponse des parents qui ne demanderont pas le sexe de l’enfant au gynécologue : « non, nous ne voulons pas savoir ». Ce n’est qu’un obscur mensonge. Bien sûr qu’on veut savoir.

La première tentative

Ne pas demander le sexe de l’enfant, ce n’est pas fermer les yeux sur tous les indices disséminés çà et là tout au long de la grossesse. Nous gardons d’ailleurs les yeux bien ouverts. Tous les moyens sont bons pour savoir quand on ne veut pas savoir. Nous ne perdons pas de temps. La première tentative a lieu lors de l’échographie. Nous ne demandons pas le sexe au médecin mais pas question de quitter l’écran des yeux. Tout le monde s’accorde à dire que le néophyte ne peut déceler seul le sexe de l’enfant à l’écran. Très bien, je suis tranquille ; les mains dans les poches, je contemple les images. Les yeux dans ceux de ma femme, je me fais finalement une raison. Je n’ai rien vu. En raison de son activité professionnelle, ma femme sait lire une échographie. Une fois sortis, elle m’explique avoir détourné le regard au moment où la sonde montrait l’entrejambe. Je n’avais même pas réalisé que la sonde avait montré l’entrejambe. La tentative a échoué.

La deuxième tentative

Posés dans un café, nous lançons une nouvelle offensive et épluchons l’une après l’autre les photos laissées par le médecin. Rien n’y fait, c’est un professionnel. Il n’a laissé aucune trace.

Les gens

Nous rentrons alors à l’appartement et nous nous persuadons que le sujet est clos, qu’il n’y a de toute manière plus moyen de savoir. C’était compter sans les gens. « Alors pour le sexe, vous voulez savoir ? » « Non, nous ne voulons pas savoir ». « Tu as le ventre vraiment porté vers l’extérieur des hanches. C’est forcément une fille ». N’avions-nous pas répondu que nous ne voulions pas savoir ? »

Hé bien, vous saurez quand même. Pendant les cinq premiers mois de grossesse, nous avons su que nous attendions une fille. Les gens le savaient. Notre enfant a changé de sexe au cours du sixième mois. Encore une fois, on nous l’a fait savoir avec force démonstrations. Et tous partageaient le même avis : « oh ton ventre pointe vers l’avant. C’est forcément un garçon ».

A croire que nous n’attendons pas un enfant mais une grenouille hermaphrodite.

La dernière tentative

L’offensive désespérée a été lancée lors de la dernière échographie. Nous avons essayé de déceler le sexe à partir de notre analyse très fouillée des traits du visage de l’enfant. Nous avons cru voir un double menton : ce sera un garçon. Je sais, tout le monde le sait. Pour autant, nous avons aussi choisi un prénom de fille. Qui sait ?